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Par ses raccourcis qui, le plus souvent, donnent cours, mais en creux, à une érudition<br />

pléthorique, de même que dans Le Surmâle il usera pareillement de l’érudition pour plaquer une<br />

obscurité sur la trop grande clarté d’un texte qui ne se refuse apparemment pas à l’intellection de<br />

son lecteur, Jarry continue de développer, à un degré plus infime et presque insoupçonnable, sa<br />

volonté de se refuser au lecteur, de se placer dans une obscurité idéaliste qui empêche le texte<br />

d’échapper, en étant donné totalement à son lecteur, à son auteur.<br />

Il ne s’agit pas en définitive, pour l’auteur du Surmâle, de donner tout crédit à la sémantique et<br />

à la légitimité du savoir mais il s’agit d’utiliser toutes les ressources offertes (qu’elles aient trait à<br />

l’érudition signifiée jusqu’au cryptique par le biais du raccourci ou à l’irréductible étrangeté du<br />

signe et de la terminologie scientifiques) pour permettre à son propre langage, fût-il apparemment<br />

non soumis à une complexité lexicale et syntaxique, de gagner en obscurité et ainsi en richesse,<br />

l’éloignant d’autant plus d’une part d’un possible épuisement en ce qui concerne l’interprétation<br />

qui peut en être faite (le rendant ainsi d’une richesse infinie pour l’imaginaire du lecteur) et d’autre<br />

part d’un accaparement dont il est censé autrement pouvoir être victime du fait de la présence<br />

(intrinsèquement pleine de voracité selon Jarry) du lecteur cherchant à le rendre captif de lui-<br />

même : en se refusant au lecteur, dans le sens d’une compréhension continue et entière, l’auteur<br />

(tel que l’incarne Jarry) se tient en-deçà de la dévoration qu’une telle compréhension supposerait<br />

– dans le sens d’une assimilation totale qui serait faite de sa substance (c’est-à-dire de la substance<br />

livresque à quoi il se réduit de facto face au lecteur) – et se tient ainsi, en définitive, à l’écart d’une<br />

perte (possible) de sa singularité (cette dernière pouvant se résumer à la façon qu’il a de se tenir<br />

dans une irréductible nouveauté qui ne peut que résister aux catégorisations).<br />

Par l’obscurité, il s’agit pour Jarry de garder la main sur son texte, sa création – Jarry lui-<br />

même, écrivain, s’affirmant, selon ses propres dires, qu’ils soient le fait de l’explicite ou, plus<br />

encore, de l’implicite, comme un Dieu –, permettant au texte, justement, de rester pleinement sa<br />

création, en ne le rattachant pas au lecteur, celui-ci ne pouvant se l’approprier et ainsi lui<br />

demeurant, au moins en une certaine part, parfaitement étranger.<br />

Ainsi, si le terme de « syn<strong>thèse</strong> » semble être irrémédiablement accolé à celui d’ « obscurité »<br />

pendant la première période de l’œuvre jarryque qui correspond aux publications au sein du<br />

Mercure de France et qui est clôturée, comme l’a suggéré Julien Schuh, par la réunion de ses textes<br />

de jeunesse sous l’appellation Ontogénie, la syn<strong>thèse</strong> perdure bien, et suivant une dynamique<br />

semblable (bien qu’apparemment différente), pendant la seconde période de son œuvre (étant<br />

cependant moins présente dans les opérettes, mais toutefois non absente, car il demeure, au sein<br />

de ces textes prétendument mineurs, nombre d’allusions qu’il faut expliciter, qu’il faut arracher à<br />

la façon resserrée qu’elles ont de paraître, pour pouvoir en goûter tout le sens – et ainsi pour<br />

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