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cherche à « dissoudre la notion d’auteur, par l’imprécision sur sa place, son lieu dans le texte. 1 »<br />

L’auteur est-il celui qui énonce ? Mais quelqu’un avant lui n’a-t-il pas déjà énoncé, comme c’est le<br />

cas avec Ubu Roi ? Tout n’est-il pas finalement que « collage », l’artiste étant celui qui a pu établir,<br />

« avec un art minutieux », « la continuité entre l’élément étranger et son œuvre », laquelle œuvre,<br />

notion indéfinie, résulte justement de ce déplacement, – l’artiste étant celui qui s’est « appliqué 2 »<br />

à cela, pour reprendre le mot d’Aragon dans « Max Ernst, peintre des illusions » (1923).<br />

3. 3. La présence de Jarry critique perce.<br />

Mais s’agit-il pour Jarry réellement de laisser poindre la parole de l’auteur chroniqué telle qu’elle<br />

existe, sans médiation ?<br />

Remarquons déjà que l’on peut certes analyser cette volonté de systématiser la pratique de la<br />

citation indirecte à tel point que celle-ci puisse constituer l’essentiel du compte rendu comme une<br />

volonté de faire exister entièrement la parole de l’auteur chroniqué mais que ce geste peut<br />

également être interprété dans la lignée de la volonté ancienne de l’auteur de César-Antechrist de<br />

s’approprier la singularité émanant de la parole d’un auteur en la vidant de son identité, c’est-à-<br />

dire, principalement, de sa signature, puisque le nom qui demeure de facto rattaché aux comptes<br />

rendus, fussent-ils (presque) entièrement le produit d’un montage de passages des œuvres<br />

chroniquées, reste bien celui de Jarry.<br />

En outre, l’auteur de Léda, dans son compte rendu de La Psychologie de l’amour de Gaston Danville paru<br />

dans La Revue blanche du 1 er mars 1903, écrivant : « Il est certain, en effet, qu’on ne connaît guère d’autre<br />

théorie vraiment originale et complète (mais une théorie peut être complète et insuffisante !) sur<br />

ce sujet que celle qu’a formulée Schopenhauer », cite indirectement (nous soulignons) le passage<br />

suivant, ajoutant au centre de sa citation un commentaire de sa main, qui contredit quelque peu le<br />

propos de Danville : « Nous ne connaissons guère, en effet, d’autre théorie vraiment originale et complète<br />

sur ce sujet, que celle qu’a formulée Schopenhauer. 3 »<br />

Et le simple fait de choisir une citation, pour le critique, qu’elle soit directe ou indirecte, c’est<br />

l’environner d’un commentaire, puisqu’une citation n’est choisie que dans la mesure où elle<br />

répond à une visée (même s’il n’y a pas, comme chez Jarry, d’intentionnalité exégétique affichée),<br />

et le cadre limité du compte rendu grandit de facto chaque citation choisie d’une valeur qu’elle n’a<br />

pas, la faisant apparaître dans une forme d’idéalité, puisque le fait pour elle d’être choisie signifie<br />

1 Antoine Compagnon, La seconde main ou le travail de la citation, Éditions du Seuil, 1979, p. 387.<br />

2 Louis Aragon, Les Collages, Hermann, Collection Savoir. Sur l’art, 1993, p. 25.<br />

3 Gaston Danville, La psychologie de l’Amour, Librairie Félix Alcan, 1919 [reproduit sans<br />

changement la 2 ème édition publiée en 1900], p. 4.<br />

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