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Si Jarry tient « la chronique des théâtres dans les huit dernières livraisons 1 » de La Revue<br />

blanche, c’est bien du fait de l’amitié de Fénéon qui veut l’aider de toutes les façons possibles, et<br />

pour ne pas rompre la clause de confidentialité qu’il a nouée avec La Renaissance latine, quant aux<br />

chroniques, et contre quoi il a pu fixer le prix souhaité à sa contribution. Jarry écrit ainsi au<br />

secrétaire de La Revue blanche en décembre 1902 : « Mon cher ami, Merci encore pour […] la<br />

complaisance avec laquelle – je dois vraiment en abuser ! – vous m’avez conféré les Théâtres. Cela<br />

me fait un grand plaisir, mais il va sans dire que si André Picard s’en plaint, je suis prêt à n’avoir<br />

été qu’un intérim. S’il n’y a pas d’inconvénient, j’aime mieux faire cela que les Gestes, pour la<br />

raison que je vous ai dite, et m’arrangerai pour voir les pièces sans causer trop d’embarras. 2 »<br />

Voir les pièces demeure ainsi la condition sine qua non pour pouvoir en rendre compte.<br />

Néanmoins, Jarry va ouvertement à l’encontre de ce principe dans un post-scriptum, laissant en<br />

outre pointer de façon candide la façon qu’il a de naturellement rendre compte d’ouvrages<br />

émanant d’amis, ce qui sera sensible dans tout le corpus de ses comptes rendus, et pas seulement<br />

en ce qui concerne le théâtre bien évidemment : « P.S. J’ai été si long sur les Nèfles parce que : I°<br />

c’était la seule pièce que j’eusse vue ; 2° l’auteur était un de mes amis et en outre la pièce surtout<br />

est vraiment drôle. 3 » Jarry transforme la faiblesse paraissant d’emblée inhérente à son travail de<br />

critique quant à sa non présence aux représentations des pièces qu’il doit chroniquer en force, en<br />

déclarant que « [c]e mode d’appréciation des pièces » qui consiste à ne point y assister « paraît le<br />

meilleur, épargnant un temps précieux et étant le seul qui garantisse l’absolue impartialité. 4 »<br />

Cette remarque apparemment humoristique et cynique cache en réalité une série de principes<br />

esthétiques. Ce faisant, outre le fait qu’il transforme le miséreux de l’existence en magnificence,<br />

suivant une logique qui ne lui est pas uniquement propre, exactement comme il le fera lorsqu’il<br />

s’inventera, contre toute vraisemblance, une généalogie noble 5 (Villiers de l’Isle Adam agira de<br />

même, cherchant, tout comme Jarry, à faire en sorte, notamment, que sa généalogie épouse une<br />

noblesse réelle, vérifiable dans les faits, noblesse qu’il veut matérialiser, la ressentant dans son<br />

âme, du fait de ses écrits), Jarry met à mal la figure du critique en considérant que l’impartialité est<br />

impossible puisqu’elle ne saurait de fait survenir de la méconnaissance de la représentation de la<br />

pièce à chroniquer, lorsque la visée du propos du critique est justement de cerner par le biais des<br />

attraits du langage et de la dialectique cette représentation, sa légitimité, son originalité, ses forces,<br />

ses faiblesses.<br />

1<br />

Alfred Jarry, La Chandelle Verte, lumières sur les choses de ce temps, édition établie et présentée par<br />

Maurice Saillet, Le livre de poche, 1969, p. 18.<br />

2<br />

OC III, p. 566.<br />

3<br />

Id., p. 567.<br />

4<br />

L’Étoile-Absinthe, n° 5-6, Rennes, Société des amis d’Alfred Jarry, juin 1980, p. 13.<br />

5<br />

Voir BESNIER, p. 21 et la lettre que Jarry envoie à Rachilde le 28 mai 1906 (OC III, p. 617).<br />

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