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Fargue rivalisant d’émulation 1 dans le sens à chaque fois d’une plus grande obscurité, et ainsi<br />

d’une plus intense (voulue telle) efflorescence de leur idiosyncrasie.<br />

Aussi, tandis que Léon-Paul Fargue rend compte de Premières lueurs sur la colline de Fort dans<br />

le numéro du Mercure de France de juillet 1894 2 , Jarry construit une prose poétique au sein de L’Art<br />

littéraire en mars-avril 1894 autour de Plusieurs choses du même auteur, prose poétique maquillée en<br />

compte rendu dans laquelle il avoue son intention de parler également, et en termes élogieux (« en<br />

attendant de parler de la pluie d’étoiles miroitantes […] 3 », écrit-il) de Monnaie de fer (« avec deux<br />

dessins d’Emile Bernard », Librairie de l’art indépendant, 1893), ce qu’il ne fera pas, et ainsi au<br />

sein de laquelle il confie (c’est là le plus important ; qu’il n’actualise pas son désir demeure<br />

second), comme nous l’avons déjà souligné, son souhait d’enraciner son point de vue critique<br />

dans un intérêt non épisodique mais constant pour l’œuvre dans son ensemble, et ainsi pour son<br />

auteur, indépendamment de l’intérêt épiphénoménal qui peut s’exprimer, de fait, pour une œuvre,<br />

du fait de son statut de critique ou de son cheminement personnel de lecteur, en même temps<br />

que l’auteur de Messaline confesse sa volonté de suivre scrupuleusement l’œuvre poétique de Fort,<br />

révélant ainsi publiquement la façon dont son attention est tendue vers un auteur, de ce fait, à ses<br />

yeux, véritablement élu (pour reprendre le terme qu’il utilise dans Faustroll).<br />

Remarquons que si Fort est un auteur élu, c’est parce que Jarry le reconnaît comme un<br />

auteur pair, sinon gémellaire, du moins voisin, très proche de sa propre démarche d’écriture :<br />

aussi son compte rendu de Plusieurs choses est-il l’occasion pour lui, en tirant la bibliographie du<br />

côté du poème en prose, et ainsi d’une forme d’obscurité qui lui permet la polysémie et<br />

l’imprécision quant à l’évocation, d’évoquer non pas l’œuvre de Fort en elle-même mais ses<br />

propres intérêts, par le biais d’une lecture qui veut délibérément s’élaborer au travers du prisme<br />

non pas de sa subjectivité critique mais de son goût d’auteur (un goût très affirmé, puisqu’il<br />

émane d’une ipséité s’affirmant avec force et violence), Jarry renvoyant le lecteur à des éléments<br />

qu’il semble puiser dans le livre mais qui en réalité se trouvent dans son propre travail et dans les<br />

œuvres dont il se sent alors proche et qui sollicitent intensément et de façon féconde son<br />

attention, comme les aquarelles de Munthe, ce dont témoigneront notamment ses « Tapisseries »<br />

parues dans Les Minutes qui sont comme le prolongement direct de ce compte rendu – et non son<br />

pendant poétique, comme on pourrait le penser de prime abord, étant donné le fait que la<br />

bibliographie de Plusieurs choses décline déjà cette identité de poème en prose, identité sous-jacente<br />

1 Voir Jean-Paul Goujon, Léon-Paul Fargue poète et piéton de Paris, Gallimard, 1997, p. 67.<br />

2 N° 55, p. 292-293 ; voir Louise Rypko Schub, Léon-Paul Fargue, Genève, Droz, 1973, p. 40-41 et<br />

Jean-Paul Goujon, op. cit., p. 68.<br />

3 OC I, p. 1008.<br />

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