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de citer l’étai du nom d’un philosophe, quand chacune de ses idées, prise hors de l’ensemble du<br />

système, bave des lèvres d’un gâteux [...] 1 ».<br />

Si dès le « Linteau » des Minutes (pierre inaugurale et comme fondatrice de toute son œuvre),<br />

l’auteur de La Chandelle verte fait implicitement référence, mais avec force, à Bergson (sans qu’il lui<br />

soit de ce fait nécessaire de citer véritablement le « nom d’un philosophe », de ce philosophe),<br />

c’est pour signifier à quel point il prend du recul, de façon violente (puisque l’évocation de<br />

Bergson ne saurait être détachée de celle des philosophes, lesquelles évocations semblent l’une et<br />

l’autre avoir lieu dans le même élan du mouvement de l’intellection, puisqu’elles sont infiniment<br />

rapprochées, lequel rapprochement est induit encore plus visiblement par le parallélisme « un<br />

philosophe » / « des philosophes »), avec un cours qui lui fut professé et qui néanmoins jouera,<br />

comme nous l’avons vu, une influence certaine sur lui (c’est pourquoi il le conservera et le<br />

confiera à son ami Edouard Julia).<br />

Remarquons que le rejet – très peu visible étant donné le registre souvent laudateur suivant<br />

lequel Jarry évoque ce philosophe comme dans Albert Samain, rappelant alors qu’il a noté le cours<br />

« précieux entre tous, de M. Bergson 2 » ; là encore, Jarry s’avance masqué – de la pensée titulaire<br />

de Bergson, principe véritablement créateur, s’exprimera également (et il faut ainsi mesurer à quel<br />

point il n’est pas le seul fait de l’écriture des Minutes) au cours de son travail journalistique puisque<br />

Jarry corrigera sa définition du rire, comme nous l’avons déjà évoqué, arguant (dans son compte<br />

rendu de La Fiancée du scaphandrier, « paroles et musique » de Franc-Nohain et Claude Terrasse 3 )<br />

que celui-ci naît surtout de la découverte du contradictoire, mais surtout au sein de Faustroll.<br />

Ainsi, au cours du chapitre « Capitalement », Jarry fait dire à Faustroll : « [...] un signal, pour<br />

être entendu, veut être isolé, et [...] une multitude n’a pas qualité pour donner un ordre ; et de<br />

même que pour moi mille tambours ne font pas autant de bruit qu’un seul tambour, et que mille<br />

intelligences forment une cohue mue par l’instinct, un individu n’est pas pour moi un individu,<br />

qui se présente en même temps que plusieurs de ses pareils, et je soutiens qu’une tête n’est une<br />

tête que séparée de son corps. 4 »<br />

Jarry ici renverse précisément le propos de Bergson qui professe, s’appuyant sur la figure de<br />

Fechner, si chère à Jarry : « Fechner nous dit par exemple que si une armée innombrable de<br />

chenilles ronge à côté de nous les feuilles des arbres, nous l’entendons ; et que nous n’entendrons<br />

pas une seule chenille. Cependant le bruit que fait l’armée de chenilles n’est que la somme des<br />

bruits élémentaires de chaque chenille. Donc chacune des chenilles produit un son. Comment se<br />

1 OC I, p. 171.<br />

2 OC III, p. 531.<br />

3 Voir OC II, p. 647.<br />

4 Bouquin, p. 515-516.<br />

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