30.06.2013 Views

thèse

thèse

thèse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

— La femme : être rigide par excellence.<br />

En effet, l’auteur des Minutes renvoie souvent à la façon suivant laquelle la femme est<br />

assimilée à ce qui est rigide par excellence, et ne saurait s’extraire de cette rigidité implacable : la<br />

statue (laquelle assimilation la pousse, sous-entend Jarry, à rechercher inlassablement la forme de<br />

rigidité absolue, demeurant hors d’elle, qui est Priape, comme c’est le cas au sein de Messaline).<br />

Cette assimilation, qui est absolument canonique à l’époque de Jarry (« ces airs de statue<br />

antique que les femmes […] possèdent, sans le moins du monde s’en douter 1 », écrit par exemple<br />

Nerval dans son Voyage en Orient), est très chère à l’imaginaire de l’auteur puisqu’elle est le<br />

fondement même des « Pataphysiques de Sophrotatos l’arménien », texte qui nourrira toute<br />

l’œuvre future, et en particulier Faustroll, par la virtualité qui s’en dégage, c’est-à-dire par la totalité<br />

fantasmée à laquelle il a été arraché (puisqu’il est prétendument, et à jamais, fragment, ou part de<br />

fragment) et qui sera reconduite au sein de Faustroll sous la forme du vingt-huitième livre pair<br />

lequel n’est autre que le corps de Faustroll : « Et je vins aussi au-dessus de cette femme, et son<br />

odeur était celle de l’ivoire grec mouillé dans les temples […] 2 ».<br />

La femme devient ainsi poupée (« Dans mon alcôve sainte […] quand en mes bras elles<br />

parlent – plainte du thorax des poupées aux doigts des colporteurs 3 », avance Haldern), réduite<br />

par conséquent au silence (les femmes, « je les veux muettes 4 » : proclame encore le même<br />

personnage, double de Jarry, dans « Haldernablou »), en somme ramenée entièrement à la façon<br />

dont l’homme à cette époque l’hallucine, au point qu’il faille invariablement préciser lorsque ce<br />

n’est pas le cas : « [e]lle est en vrai 5 », note ainsi Jarry dans L’Amour absolu.<br />

Encore faut-il souligner que le corps féminin n’est pas seul à renvoyer pour Jarry à la topique<br />

de la statuaire. Aussi cette vision de la femme n’obéit-elle nullement à la misogynie de Jarry, ce<br />

qu’il nous faut maintenant prouver, misogynie qui ne saurait pour autant être niée, comme en<br />

témoignent avec force, notamment, L’autre Alceste ou certaines de ses chroniques (voir, par<br />

exemple, « Battre les femmes »), mais qui ainsi ne constitue pas l’essentiel de la façon dont Jarry<br />

perçoit la femme.<br />

— Le corps amoureux en lien avec la statuaire.<br />

1 Gérard de Nerval, Voyage en Orient, Œuvres complètes, II, édition publiée sous la direction de Jean<br />

Guillaume et de Claude Pichois, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1978, p. 439.<br />

2 OC I, p. 265.<br />

3 Id., p. 216.<br />

4 Ibid.<br />

5 Id., p. 940.<br />

543

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!