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Il n’est pas seulement une « machine », comme le professe Didier de Chousy dans Ignis au<br />

détour d’une formulation : « Belle […] machine que cet homme ! 1 ». Il va jusqu’à supplanter toute<br />

machine, fût-elle le dernier parangon de la modernité, comme le stipule Jarry dans Le Surmâle :<br />

« Vous n’allez pas en faire boire à la locomotive ? Ça lui ferait mal ! Ce n’est pas une créature<br />

humaine ! Vous n’allez pas faire crever cette bête ! 2 »<br />

La force contenue en l’homme avec laquelle il se confond entièrement, que l’on ne saurait<br />

supposer et encore moins mesurer, peut supplanter toutes les forces que la science permet à<br />

l’homme d’acquérir ; et, lorsque celui-ci la met en pratique de telle sorte qu’elle soit alors en tout<br />

point comparable aux causes naturelles à même de modifier le cours du monde, c’est alors qu’il<br />

apparaît véritablement comme un Dieu, autrement dit comme un être en accord avec la puissance<br />

qu’il porte en lui au point de n’être plus qu’elle, au point qu’il n’ait plus d’autre identité que celle<br />

de ne pouvoir justement recevoir une identité, celle-ci devant de fait être circonscrite pour être<br />

reconnaissable, étant tout à la fois homme, machine …, échappant à toute catégorisation.<br />

— Identité monstrueuse de l’homme.<br />

Cette indétermination ouvre possiblement sur le monstrueux. Les forces que recèle l’homme<br />

en lui, si elles le rapprochent de Dieu comme le stipule Jarry à l’occasion de son compte rendu de<br />

l’œuvre de Léger (puisque ce dernier ne parle, au sein de son ouvrage, nullement de ça), le<br />

rapprochent également du « monstre » (ce qui est, contrairement à ce que l’on pourrait penser de<br />

prime abord, tout un, car il n’est pour Jarry nulle contradiction entre Dieu et la figure du<br />

monstrueux), du fait de l’imprévisibilité qui naît en toute logique d’un tel potentiel, lequel peut<br />

s’exprimer, de fait, dans la destruction, comme le sous-entend Jarry en parlant bien d’un<br />

« Anarchiste […] » dans ce compte rendu et en écrivant déjà dans César-Antechrist, formulation qui<br />

est d’une importance extrême : « Comme le Christ qui vint victime sur la terre, le Dieu deviendra<br />

homme et comme un homme sera bourreau. 3 »<br />

Jarry renverse ainsi le sens communément rattaché à l’expression « être humain » comme le<br />

rappelle Maeterlinck dans Alladine et Palomides (pièce publiée avec Intérieur et La Mort de Tintagiles à<br />

Bruxelles chez E. Deman en 1894), évocation qui prend un sens tout particulier, auquel Jarry ne<br />

pouvait pas ne pas être sensible, si l’on se souvient que cette pièce est en réalité un « peti[t]<br />

dram[e] pour marionnettes » : « Palomides. Je ne savais pas, jusqu’à vous [Astolaine], tout ce que<br />

pouvait être la bonté toujours attendrie et la simplicité parfaite d’une femme. J’en fus si<br />

1 Didier de Chousy, Ignis, Berger-Levrault et Cie, 1883, p. 31.<br />

2 OC II, p. 232.<br />

3 Bouquin, p.104.<br />

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