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prétendument) d’exprimer sa pensée avec une précision que le langage commun ne lui permettrait<br />

nullement d’atteindre.<br />

Ainsi, dans La Dragonne, il écrit : « Erbrand, en tant qu’ex-polytechnicien, l’eût proclamé<br />

asymptote à la ruine, c’est-à-dire, comme on sait, « s’en approchant toujours et n’y atteignant<br />

jamais » 1 ».<br />

L’auteur du Surmâle va jusqu’à reprendre dans Faustroll à son compte la parole de Kelvin (la<br />

formulation « nous sommes tous deux de cet avis » est parlante), remarquant : « Car nous<br />

sommes tous deux de cet avis que, si l’on peut mesurer ce dont on parle et l’exprimer en<br />

nombres, qui sont la seule chose existante, on sait quelque chose de son sujet. 2 »<br />

Kelvin écrit en effet, considérant que « [c]e qui est mesurable n’est pas inconcevable », « ces<br />

deux mots rapprochés l’un de l’autre form[a]nt donc une tautologie 3 » : « [j]e dis souvent que, si<br />

vous pouvez mesurer ce dont vous parlez et l’exprimer en nombres, vous savez quelque chose de<br />

votre sujet ; mais si vous ne pouvez pas le mesurer, si vous ne pouvez pas l’exprimer en nombres,<br />

vos connaissances sont d’une pauvre espèce et bien peu satisfaisante ; ce peut être le<br />

commencement de la connaissance, mais vous êtes à peine, dans vos pensées, avancés vers la<br />

Science, quel que puisse être le sujet. 4 »<br />

Jarry donne ainsi voix, et c’est perceptible notamment dans son compte rendu de l’ouvrage de<br />

Walras comme dans celui de La Psychologie de l’amour de Danville, à son amour des chiffres,<br />

cherchant à « écri[re] dans la langue où professa Lord Kelvin 5 » et écrivant par exemple à<br />

Mardrus, probablement en janvier 1901, qu’il traduit les Mille nuits et une nuit, « faute de mieux,<br />

dans la langue la plus abstraite mais la plus absolue des mathématiques [...] 6 » (et il est vrai que ses<br />

comptes rendus de la traduction de Mardrus comporteront des nombres, du reste exprimés de<br />

façon hyperbolique eu égard au texte source, comme notre annotation le montre, ce qui prouve<br />

l’intérêt qu’il leur donne, voulant, par ce faire, les mettre ostensiblement en avant).<br />

3. 1. 5. Précision ouvrant sur le rêve.<br />

Il serait vain de considérer que cet amour des nombres puisse naître de la précision qu’ils<br />

impliquent, comme c’est le cas, mais fantasmatiquement, pour Kelvin. Fantasmatiquement, car<br />

aux « prises avec ces idées de nombre, comment les formuler sinon par des chiffres, leurs uniques<br />

1 OC III, p. 502.<br />

2 OC I, p. 724.<br />

3 Sir William Thomson (Lord Kelvin), op. cit., p. 96.<br />

4 Id., p. 53.<br />

5 OC II, p. 520.<br />

6 OC III, p. 547.<br />

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